Comment se dire - je ne sais pas


[mention de suicide]

Il y a trop de mots dans ma tête. Je ne sais pas comment appeler ces moments. Je dis beaucoup « je sais pas » quand je parle aux psys parce qu’en vérité je sais pas il y a trop de choses si je commence à parler ça ne va jamais s’arrêter. Et puis je sais une chose : que ça ne serait jamais ni important ni solutionné.
Trop de voix dans ma tête qui se mettent à toutes parler en même temps.
Je mens. On va encore me dire que je mens, refuser de me croire, refuser de m’écouter et de m’entendre.

Je ne fonctionne pas. Je ne sais pas faire.
Des fois j’arrête. Des fois je ne peux ni parler ni bouger et j’ai des monologues de plusieurs personnes qui se dévident dans ma tête et je devrais les écrire mais je n’arrive pas parce que c’est trop de mots mais ça purgerait les insultes la haine le dégoût autrement qu’en me visualisant en train de tomber du sixième étage.
Je n’existe plus dans ces moments et le monde entier me hait. Mon corps n’est plus à moi, je suis dépossédé. Je ne peux pas bouger. Je ne peux pas penser. Je ne peux rien et entendre le déferlement dans ma tête.

Je ne suis pas malade. On m’a assez répété que je ne suis pas malade pour que je sache au moins ça mais alors donnez-moi une explication parce que je ne peux ni me comprendre ni me guérir de ma non-maladie.
Est-ce que tout le monde est pareil ?
Le premier qui me répond qu’on est tous différents dans nos fonctionnements me plante un couteau dans le ventre.
Je sais que personne n’est comme moi parce que quand je parle personne ne me comprend.

Je ne sais pas verbaliser.
Je ne sais pas.
Je veux mettre ma tête dans un mixer et voir mon visage partir en lambeau.
Si j’écoutais mon cerveau je serais déjà réduit en bouillie sur du bitume.
Je veux prendre tous mes médicaments d’un coup et m’anesthésier et mourir dans d’atroces souffrances.
Je veux vivre.
Mais je veux comprendre.
J’essaye, je n’y arrive pas, est-ce que c’est normal, est-ce que je suis normal ? J’ai besoin d’entendre que non, j’ai besoin qu’on me dise oui tu as raison de te considérer comme anormal et tu peux reprendre l’insulte et la transformer en force. Mais je suis bloqué si je suis normal. Parce que si je suis normal je dois fonctionner correctement et je ne sais pas faire.
Et je ne vous fais pas confiance si vous me dites que je suis normal.
Toute ma vie on m’a répété que je n’étais pas normal. On m’a haï, tordu, plié, torturé, frappé, violé, parce que je n’étais pas normal. Je ne vous croirais jamais si vous me dites que je le suis parce que je me sens alien au milieu du monde sauf parmi ceux qui sont catalogués comme anormaux.
Si on me refuse ça on me refuse le droit d’appartenir quelque part.
Si je suis normal je suis seul au milieu des normaux et ça ne va jamais marcher. Ça ne marche déjà pas.

J’écris des trucs et c’est jamais ce que je veux écrire. C’est comme quand je parle mais en pire parce que les paroles elles m’éloignent de moi et écrire ça me rapproche du trop intime.
Je voudrais pouvoir rentrer dans une case, je m’en fous de laquelle.
Je voudrais qu’on me comprenne.
Je voudrais savoir m’expliquer.

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