Devenir un garçon

[TW mention de viol et d'envie suicidaire]

Comment dire...Quoi dire...
Je transitionne. Physiquement. Parce que ma transition sociale ça fait déjà un an que je l'ai faite et que je la fait.
Je suis de plus en plus dysphorique. Parce que mon apparence fluctue. En ce moment je suis vraaiiiment mince, par rapport à d'habitude, et pour une fois je n'aime pas cette silhouette. J'ai coupé mes cheveux, j'ai l'air d'un enfant, et je suis mal à l'aise. Je ne me sens pas moi dans mon corps. Encore. Toujours. En un an, ça n'a pas changé.
Je sens l'obligation d'avoir un résultat, maintenant, de devoir passer, de devoir voir les effets de la testo, de vraiment devenir un vrai garçon et...Mon corps qui suit pas, parce que ça fait qu'une injection, parce qu'il faut arrêter d'être impatient, parce qu'il faut juste attendre.
Attendre c'est difficile. J'attends depuis un an. Pendant un an mon mantra c'était "attend jusqu'à la testo". Le dernier mois d'attente a été infernal. J'ai voulu me suicider plusieurs fois parce que je n'en pouvais plus. Je ne voyais pas le sens.
J'ai l'impression de renaître totalement, et je suis perdu.
Je sens la masculinité poser ses mains toxiques sur moi. Je ne suis pas un homme. Je ne serais jamais un homme. Je ne veux pas l'être, mais je devrais vouloir l'être, non ? Puisque je transitionne pour ça, non ?
Je transitionne pour fuir. Je transitionne parce que quand on m'appelle madame je veux me vomir. Parce que je ne peux pas entendre mon deadname. Parce que je ne peux pas vivre dans ce corps qui a été violé, et violé, et encore violé, et abusé, maltraité. Parce que ma mémoire traumatique vit dans ma peau et que j'ai besoin de l'arracher. Et parce que je n'ai jamais, jamais pu, su, voulu, être une femme. Jamais. Je ne me suis jamais senti femme. Parfois je me sens homme. Et oui, c'est plus facile, ce qui ne veut pas dire que c'est simple.
Deviens un vrai homme.
J'ai peur.
Je ne sais pas être un homme. Je ne comprends pas les codes sociaux de cette catégorie là. Femme, je savais faire. Il fallait encaisser, se taire, encaisser, se taire. Je savais faire mais j'allais en mourir, de vivre dans ce corps et cette identité sans espoir de changement. J'ai pris ma première respiration la première fois que j'ai mis un binder et que j'ai effacé ma féminité. Mais je ne veux pas être un homme, parce que les hommes c'est les connards et les oppresseurs et tous ceux-là. J'en peux plus des hommes. J'en peux plus de la masculinité vers laquelle je voudrais aller - elle n'existe pas. Et en même temps je veux du passing et avoir l'air d'un garçon et qu'on me reconnaisse pour ce que je suis - un homme, à défaut d'autre case sociale où je me sente à l'aise. Parce que tout le reste se plante dans ma chair et me déchire trop.
Je ne sais pas comment être, quoi être, qui être pour que tout aille bien et pour n'oppresser personne et pour pouvoir respirer.
Devenir un garçon.
Devenir libre de ne pas me haïr.
Parce que c'est ça au fond, non ?

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